Chats, boulangère, artisanat
Ainsi
jadis sur les pentes escarpées d'Amorgos ces chatons consanguins
sentant le caillé, agonisants et dociles. Je les plaçais tout
moribonds sur mon bras, les flattant de la main dans la mort. La
petite guide au visage pointu gémissait de répugnance, et si je
l'avais pu j'aurais sauvé tous ces enfants chats. Je me souvins
aussi d'Arcueil près de Paris, au rez-de chaussée d'un hôtel
donnant sur un remblai d'herbe noyée de pluie ; du haut en bas
du versant détrempé se pressaient devant ma vitre les bâtards
dégoulinants d'eau froide. Je leur jetai tout ce que j'avais pu
rafler de pâtée avant la fermeture d'une épicerie voisine, puis
voyant que les plus forts accaparaient tout, j'ai lancé le Miaoumix
le plus haut possible sur la pente, afin que les plus petits, plus
loin, puissent aussi l'engloutir - et là encore, les moins faibles
bâfraient tout.
Alors
j'ai
attiré
les plus forts,
les
plus retors, penché par la fenêtre à ras du sol : ils
gloutonnaient
jusque
sur mes pieds, l'échine ruisselante.
Je les ai caressés par-dessus
leurs échines grondantes,
tournant sur leurs gueules pour éviter mes mains, rivés qu'ils
étaient sur
les gamelles. Un
chat errant ne dépasse pas sept ou huit ans. Dans les ruelles
resserrées de Laroque-lès-Ganges,la nuit, dans la touffeur
stagnant
sous les lampes, glissant
d'un
soupirail à l'autre les chats affamés,
tandis que les humains, l'estomac
plein,
se repaissaient devant leurs
écrans.
Partout, d'ouverture
en ouverture se
faufilaient au
ras du sol les
ventres vides
et
souples.
Et
aujourd'hui, à
deux lieues de Ste-Puelles, au
sommet de
sa
pente en
plein midi,
trônait bras
ouverts à
flanc de garrigue une Vierge éblouissante. Combien de pieux
touristes bravant
l'insolation
sont-ils
parvenus
à
ses pieds -
un infarctus, dix ans d'indulgences...
Un
autre matin c'est Sumène,
deux ou trois places entre les ruelles, encore obscures à sept
heures en été.
Je
revois la boulangère ravagée
par
la vue éternelle du mur aveugle et l'abstinence, et puis l'Héraut à
sec, le pont, le monument aux morts. Je pousse
jusqu'à Maison Verte. Abordé au retour près de la station
Esso par deux potes
en
goguette,
me
tendant suppliants cinq
euros pour de l'essence. Je
leur en glisse six !
et
de
me
remercier
cent
fois, rejoignant,
pour
cuver,
leur turne perchée
dans le soleil levant.
Quand je suis
revenu
aux
Puelles Arielle
était
sur place au
centimètre près sur le lit grand
ouvert,
sans
avoir profité du jour. L'année suivante elle a
perdait
104
livres.
Un
autre
jour, une
autre
année, toujours,
elle
et
moi poussons jusqu'à St-Rom, premier bourg cévenol à flanc de
lacets.
Dans
le Bâtiment Communal des
vieilles pleines de tendresse et transpirantes ont exposé
de
longs tréteaux garnis d'artisanat,
ô limites, ô générosité.
Nous
achetons deux plats et un foulard.
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