Serait-il possible...?
C'était
dans les années 50, les illustrations étaient impeccables, le père,
la mère et les enfants tirés à quatre épingles, sportifs et
propres sur eux, et le garçon portait les cheveux en brosse. Pas
une trace de la guerre. Et le petit Duden enchaîne par une série de
mots composés sur le radical « Dach- » :
D?ch-bo|den, accent tonique sur le « a ». « Sol de
toit » ? « Le professeur d'allemand » (celui
d'Andernos)précisait que la difficulté du vocabulaire allemand
provenait du caractère imprévisible de la fixation du sens des mots
composés par l'usage au cours des siècles ; c'est ainsi que
j'avais eu le plaisir pervers de lui apprendre que « Durchbruch »
pouvait aussi vouloir dire « la diarrhée », ce qui est
indispensable dans une conversation de bon ton. Pour Dachboden, j'ai
le choix entre plancher, plafond ou combles. Bien évidemment, le
dictionnaire bilingue de mon père ne suffit pas. Le mien, enfin
retrouvé (le dictionnaire), me confirme en effet : les combles,
le grenier. Que veur dire alors Dachdecker ? Le « couvre-toit »,
tu vas prendre froid ?
Non,
il s'agit d'un homme, le couvreur. Cela non plus ne figure pas dans
le petit Duden monolingue. Pour aller plus vite, je ne consulte mon
bilingue qu'une fois par double page. L'essentiel n'est pas
d'approfondir, mais d'engloutir sans mâcher, de bâcler la pose du
papier peint, vite, vite. Je réfléchirai plus tard à ce problème
fondamental ; (der Dach-) ...garten, « le jardin de
toit » : je penche pour « jardin fleuri »,
soyons fous : « jardin suspendu ». Regardons les
résultats du loto : bingo ! Das [Dach-] ge|schoss, écrit
en rouge : « le sein du toit », lançons-nous :
« la toiture » ! non : « l'étage
mansardé », « les combles » - ces derniers mieux
aménagés sans doute que le simple Dachboden, difficilement
habitable celui-là.
60
08 17
La
lettre H sonne si typiquement deutsch que l'effarant Goebbels avait
prénommé tous ses enfants par cette initiale, avant que sa femme
les empoisonnât. J'ai appris Hebamme, la nourrice qui élève
l'enfant au-dessus du ventre, la sage-femme. Très beau nom, empreint
de respect. Il faut bien marquer la scission entre « Heb- »
et le reste du mot. Heißhunger, c'est l'appétit dévorant, la
fringale, et, médicalement, la boulimie. Voici une association
d'idées : Geneviève, quoique opérée de l'estomac, n'a pas
cessé de grossir. Vierge à plus de quarante ans, elle a cédé à
son Heißhunger, est demeurée heißhungrig, boulimique, et non pas
« goulue » ou « vorace », que notre Larousse
mentionne seuls. Il est fréquent de ne pas retrouver dans le
Larousse les mots du « kleine Duden », tant il est
délicat de déterminer si tel ou tel mot s'est véritablement
lexicalisé. Geneviève a la peau très douce des personnes grasses,
elle vit en compagnie d'une autre femme, la fille Ducauche, toujours
joyeuse,, ou toujours méfiante. Elles amènent en chariot roulant
toutes sortes de vieilles choses que le père de Geneviève entrepose
dans notre maisonnette abandonnée.
Nous
passons au verbe heißmachen, imprimé en rouge, appartenant je
suppose à la langue commune, à l'Umgangssprache : or, nous ne
l'apercevons pas dans le Larousse ; en revanche, heißlaufen,
« chauffer » en parlant d'un moteur, der Motor ist
heißgelaufen, hat sich heißgelaufen, ce moteur chauffe ; d'où
Heißlaufen, « échauffement, grippage » - c'est donc
cela, un « grippage », et Heißluft, « air chaud »,
ne figurent pas dans le Duden. Jemandem die Hölle heißmachen,
« faire chauffer l'enfer à quelqu'un », doit vouloir
dire « lui préparer un chien de sa chienne »
(Umgangsprache : jmdm heftig zusetzen) – voyons : presser
vivement, « pousser au cul », peut-être, ce qui est tout
différent.
À
rapprocher de heiß, « chaud », ce qui n'a rien de
surprenant.
Commentaires
Enregistrer un commentaire