Hercule qui crève

À l'heure où je suis, Hercule n'est pas encore crevé. Sa femme a voulu se tuer, son fils Hyllas-Danlecus court après sa môman pour l'empêcher de se trucider. Pendant ce temps-là, le chœur, qui n'en a rien à foutre, commence une de ses longues jérémiades sur le sort humain, la température de l'eau fraîche et le nombre de cons au km² en Béotie. Preuve s'il en était besoin que le théâtre antique se moque éperdument du dénouement, puisque tout le monde le connaît, et ne vise qu'à un besoin de liturgie : de même, à la messe, tout le monde sait comment cela se termine. Le chœur pousse donc sa chansonnette morose : en italiques, les traducteurs s'infligent et nous infligent « les bêtes fauves elles-mêmes » qui viennent «avec leurs repaires », tant qu'à faire, afin d'écouter sant François pardon – Orphée, le bel Orphée.
De même, le spectateur ravi et somnolent se farcit-il pour la nième fois la fable des lions et des troupeaux qui viennent boire sans que les premiers attaquent les seconds ; c'était le cas au paradis ancien, ce sera le cas passé le Jugement : « les daims ne tremblent plus devant les loups », nec dammae trepidant lupos, rameutons tous les illustrations disneyennes niaisissimes, et sans aller chercher dans le futur, contentons-nous de la note 2 qui râtisse dans le passé : Virgile, Horace, jusqu'à Silus Italicus, ont traité le même thème. La littérature en ce temps-là, loin de prétendre à l'originalité, semble avoir favorisé sinon les plagiats, du moins les emprunts, chacun polissant à son tour le bijou refilé par le prédécesseur.

Orphée pénétra les Enfers «par les portes du Ténare » (au sud du Péloponnèse), et tous les monstres su Tartare vont pleurer sur ses sandales, jusques et y compris « les lugubres dieux de l'Érèbe », fils du vide, mais aussi vague contrée désignant les Enfers, ou le seul Tartare des sévèrement punis. Ces images autrefois furent fortes et semèrent l'épôuvante. Déjà au Ier siècle, ce n'était plu que des références. Le fleuve du Styx (ou son lac) servait de « témoiné aux « serments divins ». C'est ainsi que manteaux sur manteaux s'empilent sur les épaules des vierges chrétiennes, celles que l'on trimballe par les rues. « La forêt <lui> amena <elle-même> ses oiseaux » - bref, Orphée représente, incarne l'harmonie suprême qui maitient le monde dans sa permanence, nulle trace de conflit ne subsistant plus.
Ni sur terre, ni sous terre, ni dans les cieux. Impavide, impitoyable, le chœur ne nous épargne pas la roue d'Ixion (troisième fois!), « le foie de Titye » qui est celui d'un géant, et non pas Prométhée (on ne viole pas la maman d'Apollon je répète on ne viole pas…) - et cependant Orphée chantait, jouait de la lyre, devant les mufles dégoulinants et les chairs (évidemment) pantelantes. C''était magnifique, à la première évocation ; à présent, c'est un lieu commun ne permettant plus la moindre surprise ni le plus petit frisson. « Tu écoutes aussi, ô nocher, et la barque du fleuve infernal s'avance sans que tu rames », 2, nullo remigio. Il semble qu'en ce lieu, en effet, « Sénèque » ait innové. Un nocher, c'est un marin d'eau douce, le tenancier du bac infernal, celui qui rame et qui pousse la grosse barque des macchabées. Jean Nocher, qui a sévi jadis sur les radios, « les T.S.F. », s'appelait en réalité Gaston Charon. On disait »char(r)on » à la française, mais le nocher des Enfers, c'est Charon prononcé Karon, bande d'incultes et d'introuducultes, Busnel pour ne pas le nommer, infoutu de prononcer correctement le nom du passeur antique. Il faut dire avoir du c(h)arisme, et non pas du charisme ! Et puisque tout le monde se fait chier, que le chœur poursuit son inépuisable fuite de robinet, nous ne résistons pas à citer Wilipédia, citant elle-même le polémiste Jean Nocher :  Enterrons cette pourriture et que la jeunesse se lève pour donner un autre souffle à la France. Une morale qui ne mène pas à coup sûr au plagiat, au masochisme, à l’inceste, à la pédérastie, […] à l'opiomanie, à l'onomatopisme, à la psychasthénie scatologique […], à la démence précoce, à l'impuissance psychique. L'heure va sonner où une autre école rendra à la France son vrai visage : un visage au regard droit, monsieur Jean-Paul Sartre. » En effet, Charon-Nocher a vraiment fait de la Résistance, lui.
Putain c'est pas tous les jours qu'on rigole, parole, parole, quant au charisme, Karisme j'insiste, il vient de charisma, « la grâce » octroyée par les dieux, et qui permet de régner sur son groupe et sur tous en raison de son ascendant personnel. « C(h)aron » fut donc, sur sa barque mortuaire, « le Gracieux », sans doute par antiphrase, par dérision, et, con ! n'en parle plus !

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