Guéret lyrique

63 02 05

Peu à retenir. Ennui. Détente. Perte de repères. Ce qui est ennuyeux dans la vieillesse, ce n'est pas le désagrément du corps, mais l'indifférence de l'âme. 64 06 09 Dijon. « Qu'est-ce que la vérité ?
Le 2, il fait froid. Je vais d'abord à l'office du Tourisme, pour avoir un plan. C'est une gouine hommasse charnue qui me tend le document. Et voici les rues. Un clodo, ou « SDF », devant la poste. Je devrais lui donner ma chapka. Ce sera deux euros quarante, et un toucher de main. Le voilà tout réjoui. Avant lui, égaré vers la rue des Amoureux, je m'étais renseigné près d'une puissante et gélatineuse mémé, toute contente d'avoir une contact humain. C'est fou, ce que je suis indispensable. Les autres aussi, car je tournais le dos à mon but. Tout cela s'emmêle. Et puis l'église, où je vois une pauvre vierge chlorotique prolongée renouveler de vieilles fleurs dans de vieux vases.
Et qui au bout du fil ? non pas Dieu mais Didier, à qui je me lie par le mercredi de Cendres. Il a écouté ma dernière émission, a constaté qu'il n'y figurait pas : je n'avais emporté qu'un étui vide… Nous parlons de Dieu, il m'indique soudain que la conversation est désormais assez longue. Aussi bien lui ai-je montré le caractère léger de nos faux attachements. Il invoque une fuite psychiatrique… Je redescends vers mon Première Classe, sous la pluie froidouillette. À présent c'est Giulia qui me contacte sur un banc des galeries Leclerc. Elle aime les longues conversations téléphoniques, et c'est la rentrée dans ma petite bulle sous les eaux. Le soir je regarde peu la télévision.
Ne pas oublier l'assertion orgueilleuse de Du Bellay : chacun ou presque possède un don de nature ; mais ce n'est qu'à force de travail que l'on s'envole au ciel de la célébrité. Autrement, dit Joachim, ce serait injustice, merde alors. Disons que nous avons voulu vivre, aussi, car dans l'autre monde il n'est ni glorieux, ni obscurs. Des bribes de villes qui se ressemblent toutes, flottent dans la mémoire, fragments insignifiants que je parviens toujours à resituer. Renseignements donnés par la Réunionnaise, victime de la Grande Déportation d'Assimilation Profonde (enfants introduits dans le cul de la France), clients de supermarchés, Leclerc : Providence ! Providence ! En croquant à même une providentielle carotte tombée à terre.
Arielle chez soi, à trois départements de distance, reçoit Eugène Bourdin, comédien homo, qui pose à poil sans problème ni bander. Le trois, je travaille sur Servius, qui est un vrai supplice : le volume est énorme, d'un rouge violet ignoble, après l'incendie des stocks de Budé. Commentaire de commentaires, eux-mêmes d'un creux dingue. Ce jour-là il fait beau, je vais à Guéret à pied. Jour de chats possibles, enfin.
date : début février 2063

N'est-il pas extraordinaire, etc. Je n'avais pas grand-chose à dire. Devant l'autobus une pièce a roulé. « Il serait absurde de perdre la vie pour cinquante centimes ». Le conducteur sourit. Les voyages que je fais n'ont aucune importance. Il est déjà question de Marseille, de Digne. Ces jours-ci, c'est Guéret. Moins couru, certes. Une vaste mélasse, de flotte, de distances parcourues à pied, d'hôtel confortable mais spartiate : tu viens, tu payes, tu repars. Très pratique pour les adultères. A Guéret c'est la seule distraction. Je suis victime d'adultère imaginaire. Ici je trompe ma femme avec des vidéos pornographiques. Bonjour LECTEUR. Déjà Guéret n'est rien. Il est soluble sous la pluie.
Il est contenu sous une chapka qui me couvre la tête, avec des oreillettes flottantes qui attirent les regards des automobilistes, surtout si je hurle. Il est dans ce supermarché Leclerc, qui a vidé le cente-ville de toute sa substance. Même, je trouve là-bas, comme à La Ciotat, comme partout ailleurs, un centre culturel où j'achète un calendrier dédié aux écureuils. Ce sera pour Maphâme. Il faut que je me foute de mes propres expressions, pour ne pas être pris pour un type qui se prend au sérieux. Le trajet aller se fait en train jusqu'à Limoges, et ma voisine se fait gauler pour voyajer sans ticket, de Bordeaux à Libourne. Sa carte bleue n'admet plus de retrait. Le contrôleur l'avait touchée du bout de son antenne, elle croyait que c'était moi : quelle mauvaise surprise ! Elle a jeté avec rage ses papiers dans son sac, et devra payer une amende. Lecteur, es-tu là ? Est-ce que tu comprends ?

Me consoleras-tu dans ma tombe ? Serai-je enterré à l'endroit, les pieds tournés vers l'allée ? Où seront mes livres ? Serai-je en compagnie de celui que je n'aurais pas fini, juste à ce moment-là ? Puis à Limoges, un autocar pour Montluçon. Avec toilettes internes, utilisables juste à l'arrêt. On ne peut que s'y assoir, sauf à pisser very cambré. On s'en fout partout. Une présentatrice de JT est lesbienne : c'est insupportable. Qui suis-je, dans ce cas ? De l'autocar je vois le fronton jaune de l'Hôtel Première Classe : en comptant dans l'autre sens ; le plus simple, le plus économique, celui qui fait parcourir le plus de chemin avec la valise à roulettes : crr, crr. Et la rue descend, descend. Autant à remonter en sens inverse.
Comprends-tu que ce qui m'arrive arrive à tout le monde ? Que des lectrices dédaigneuses estiment banales ces productions « de réflexions que n'importe qui peut faire » ? Que mon meilleur ennemi s'est retrouvé, en fin de carrière, au même point que moi, toujours au début, sans même avoir fait une excursion en boucle dans l'univers des Gagnants ? Alors voilà : je suis parvenu à payer me chambre, à obtenir une carte, auunetomatiquement, puis en passant la carte magnétique devant une porte, qui s'est ouverte comme une glissière de caverne ? Oh ! fait le Vieux Monsieur Mon Père, « jamais je n'ai vu un feu d'artifice aussi magnifique » ! Mais il n'y a personne d'autre, dans mes voyages, combien de fois faudra-t-il vous le répéter ?
Croyez-vous que ce me soit un enrichissement d'entendre un Cap-Voui, erdien me confier sa misère matérielle et la précarité de son emploi ? Comment peut-on prétendre substituer aux magies du voyage de telles consternantes banalités ? C'est donc niais, de répéter que le voyage permet de ne rien faire, de rien, de rien, de rien. Que même après s'être reposé toute une demi-journée sur les fauteuils confortables et roulants, le premier rite est malgré tout de prolonger par un autre repos allongé, dans la pénombre ? « Il pleut. Je vais au magasin Leclerc » : c'est donc une honte de le dire ? Oui, oui, le monde coule, mais nous manquons de données sur la vie matérielle des gens : le nucléaire a tout rasé. Ermé,
La chambre comporte trois lits de camp, dont deux superposés : « Il est interdit de faire monter un enfant de moins de 6 ans ». J'occupe le lit inférieur, car l'angle de la télévision est satisfaisant. Fermé, mais satisfaisant. Tes griffes sont sur mes épaules. Jamais je ne me ferai à cette fauconneri, à cette volerie. A la caisse, l'hôtesse m'appelle « mon petit monsieur », me dit que « mon saucisson sent bon », que la carte bleue doit être « mise dans le trou », et j'en passe. Puis elle se tait, « pour qui va-t-il me prendre » ? Dans une autre vie, la vie où j'aurai envie, je lui refilerai mon 06 (note en bas de page ? pas encore l'époque ?). Puis il faudra « trouver le trou », faire de la gymnastique, ne jamais savoir ce qu'elle pense, éviter de faire des promesses, Maphâme connaît mon numéro par coeur. Elle est toujours joyeuse au téléphone, mais vous le savez. Le soir, je vais la tromper avec le film« Camping », dont on multiplie les suites. C'est nul, nul à chier : on dirait Plus belle la vie, en plus con si possible (…en bas de page ? en bas de page?)
Le merveilleux est de ne pas se retenir de s'allonger pour dormir, somnoler, un peu sur chaque côté façon escalope, je vous ai déjà dit que je me fous des autres, qui ne sont que mes imitations (c'est bien pour vous faire plaisir) , vous me ferez cinquante lignes de moimoimoi, et vous oublierez de considérer le sort des justiciables d'Amnesty International. Parce que je m'en fous de ceux-là. Un jour je gésirai dans la geôle, nul ne s'en souciera, et je penserai « C'est bien fait pour ma gueule ». Un jour je perdrai tout mon sang sur l'asphalte, attendant les secours, car un homme ne peut laisser un homme dans cet état, et personne ne viendra.
Faites, faites que je puisse recevoir sans avoir donné. Il a veillé (celui dont je parle) jusqu'à plus de deux heures, grâca à la rediffusion d'un documentaire sur les tatouages tahitiens : ils viennent tous, en réalité, des Marquises. Il a fallu les réinterpréter, car les missionnaires les ont interdits dès l'époque la plus reculée. A présent cette coutume se modernise, se revivifie. Puis je sors mais très peu. J'adore le petit-déjeuner, «abondant, simple et varié ».

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