Les délires de Jérôme

Cela signifie que « Notre Père » ne peut pas être pris au pied de la lettre : Dieu est principe géniteur, sans sexe préférentiel. Voilà qui devrait clore le mufle aux féministes québécoises, les plus bornées de toutes – ne disent-elles pas « La soleille est belle aste matinée ? » « Toi qui sièges sur les chérubins, manifeste-toi ». Il faut trouver à ces paroles du Psalmiste un sens analogique. Mais l'attachement au sens littéral malgré tout montre que rien n'est impossible ou déraisonnable pour Dieu, quelle que soit l'idée qu'on s'en fait. Si Dieu est tout puissant, sa Parole doit se réaliser aussi bien sur le plan purement matériel que sur le plan analogique.
Nous parlions de « délire » ; mais nous devons avoir égard aux appréciations qui pourraient avoir cours sur nous-mêmes, s'il existe encore des hommes (et nous n'en doutons pas) dans 800 ans : si nous voulons préserver notre noblesse, notre dignité, nous devons créditer de la même noblesse et de la même dignité tous ceux qui nous ont précédés, même dans le plus étrange de leurs pensées. Toutes les apparentes déraisons des siècles passés doivent être examinées comme ayant été réelles dans les eprésentations de l'esprit, de même que nos chimères actuelles de démocratie ou d'égalité. Il en va de notre propre intérêt, afin de n'être pas avec facilité tournés en ridicule.
Cela ne contredit pas l'idée de progrès dans le raisonnement ou dans l'intelligence, mais le cercle qui limite, qui cerceaute nos esprits, enserre une surface infinie, à notre échelle. « Mais que Dieu siège sur les séraphins, aucune  Ecriture n'en fait mention. »  ...Ainsi donc nos Ecritures seraient également sujettes aux « hadiths » coraniques ? « Quant aux Séraphins eux-mêmes, qui se tiennent près de Dieu, nous ne les trouvons nulle part dans les Ecritures, sinon au présent passage. » La casse-tête devient redoutable : ces braves anges constitueraient donc un « hapax » exégétique ? De l'Ecriture (ce qui exclut l'analogie avec les hadiths), mais non répétés, sans même ces « effets de résonance » soigneusement répertoriés, réinventés et authentifiés par les remodelages du Concile de Nicée ?
Nos analyses doivent se tenir sans cesse sur le fil séparant le réalisme du symbolique. Nous ne pouvons concevoir, dans notre faiblesse, que sur le plan matériel. « C'est ainsi que Dieu voulait être vu », par exemple, car celui qui voit Dieu ne peut que mourir. Moïse n'aurait vu que les Dei posteriora, le dos (gab) de Dieu... Donc, ce que nous verrions après notre mort ou notre élévation ne saurait être qu'un amphithéâtre de gloire digne d'un plafond d'auditorium ; Dieu serait là présent sour forme d'une barbe blanche androgyne, avec de vrais anges pourvus de vraies ailes, et notre entendement ne pourrait que pressentir ce qu'il en est au-delà, car nos sens et notre intelligence ne peuvent accéder à l'essentiel, à l'être, en se bloquant sur l'accident.
Ainsi Jérôme en revient-il à la Septante (en latin : Septuaginta), en grec, d'après 72 traducteurs de l'hébreu ("le judaïsme n'a pas adopté la Septante") : et dans sa main il tenait un charbon qu'avec les pincettes il avait pris à l'autel, et il toucha ma bouche. C'est ce que le texte hébreu appelle « circoncision des lèvres ». « Aquila : « et dans sa main un caillou qu'il avait pris de l'autel au moyen des pincettes, et il toucha ma bouche » - le caillou présentant moins de danger ? Hieronymus effectue un remarquable travail de comparatiste : il savait l'hébreu, mais confronte des traductions en grec. « Théodotion : « et en ses mains le caillou dans les pincettes, qu'il avait pris de l'autel » (« pris », et non « prises »), et il toucha ma bouche ». 
Passage ingrat, mais indispensable pour qui veut exactement rendre la parole de Dieu - « Symmaque » - celui-là, nous le connaissons quelque peu - « et dans sa main un caillou qu'il avait pris de l'autel au moyen des pincettes et qu'il approcha de ma bouche ». Dieu lui-même utilise des pincettes, afin de rester compréhensible à notre entendement, et Jérémie se voit épargner la brûlure des lèvres. La lettre ainsi existe en pleine réalité, doublée par l'esprit. Simple preuve non pas d'un autre monde au sens métaphysique, mais d'une manière intellectuelle de saisir le monde, si l'on s'en tient à Plotin, affective si l'on monte jusqu'à Jésus.  Cela ne fait qu'illustrer le caractère double, ou triple, voire Trinitaire, de notre façon d'être, et ne présume nullement d'une divinité transcendante.
Il semble donc inconcevable d'imaginer l'immanence dépourvue de transcendance (Sartre s'y est cassé les dents) non plus qu'une transcendance dépourvue d'immanence. Jérôme persiste, et tente le « sens historique : Dieu apparaît assis » [sic] (trônant) dans le temple de Jérusalem ; devant lui, de l'autel, selon les Septante, on apporte à Isaïe un charbon ; l'autel est celui de l'encens ou celui des holocaustes » où l'on brûlait entièrement (« holo- ») les victimes. « Sens mystiques » - tout est permis en vérité à partir de ces sens-là, au pluriel : Jérôme Labourt, Docteur en théologie et chanoine de Notre-Dame, ici, se permet une note 8 : « J'ai peine à admettre le texte de Hg » qui n'a rien à voir avec le symbole du mercure : « Ille eis », sc[illicet] » - « c'est-à-dire » - « mysticis intellectibus » ; la corrections des Bénédictins » poursuit notre ecclésiastique « et de Vl. » (la Vulgate elle-même, de Jérôme, lequel se serait corrigé?), « appuyée d'ailleurs sur un bon manuscrit, semble préférable » : « le feu qu'on lui envoie » (nous sommes toujours dans la lettre « à Damase », dite « XVIII B) « et que Jérémie ne pouvait supporter, c'est celui qui, ayant pénétré les secrets de notre âme, dissout à tel point notre personnalité » - (« que... » - etc.) 

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