Art bourguignon
La
toison d'or ?
qu'est-ce donc ? Un ordre de chevalerie prestigieux qui orna le
col de tous les grands dignitaires de Bourgogne à partir de 1429, où
il fut fondé par Philippe le Bon.Symbole de la splendeur d'une cour
qui a vu son pouvoir s'étendre des Flandres à la France-Comté,
sans compter le Charolais. Cette décoration se présente sous la
forme d'un collier richemebt paré, au bout duquel pend la dépouille
d'un antique bélier, dont
la toison fut conquise par Jason et Médée après maintes péripéties
héroïques et sanglantes, et nul doute que les poètes de cour
n'aient rattaché l'illustre famille de Bourgogne, de sang royal
français, aux héros de la grande histoire hellénique.
Six
siècles plus tard, Lorraine et Bourgogne prospéraient grâce aux
bœufs, aux filatures et aux
orfèvreries. C'est
de la floraison artistique exceptionnelle de ce siècle que nous
entretient Lecat, dans un livre d'art consacré aux ornementations de
la cour de Bourgogne, aiguières, tombeaux et sculptures. Un volume
broché 21x29, paru chez Flammarion, très abondamment illustré, et
présentant nombre de mises au point historiques. Cela permet de
resituer plus exactement le mouvement artistique au sein d'une
expansion économique, car le poète dit bien « Apollon a bien
dîné quand il crie évohé ».
Ces
commentaires historiques, en italiques, s'accompagnent également de
considérations artistiques élaborées, ce qui réjouit donc à la
fois l'œil, le sens de l'histoire et l'érudition plastique.
L'émission
que vous écoutez vous permet aussi d'apprécier l'ambiance musicale
de cet apogée de la Bourgogne. Cette
histoire est mal connue de nos manuels, centrés, au temps où nos
petits faisaient de l'histoire « qui ne se't à 'ien »,
sur les évènements liés au pouvoir parisien. C'est
HARDT
VANDEKÉ-ËN “LUMIÈRES,
LUMIÈRES”
LECAT “LE
SIÈCLE DE LA TOISON D'OR” 3
ainsi
que régulièrement, nous nous embrouillons dans l'ordre de
succession des ducs de Bourgogne, alors que seul compte dans nos
souvenirs le vainqueur, le rusé Louis XI, dont plus personne
aujourd'hui ne sait qu'il portait un petit chapeau aussi orné de
médailles superstitieuses qu'un couvre-chef de randonneur
autrichien. Ce qu'il faut considérer aussi à cette époque est
l'atmosphère à la fois de richesse, de luxe, et de piété,
profondément, corporellement ressentie. Huizinga nous en parle dans
son histoire du « Déclin du Moyen Âge ». Dieu était
physiquement présent dans les âmes, où
l'on pouvait s'élever dans des extases somptueuses.
Le
sacrifice du Christ était profondément ressenti, c'est l'époque de
L'agneau
mystique de
Van Eyck. Et le prêtre de faire pleurer son auditoire en évoquant
la saveur de l'agneau rôti, tout prêt à être consommé dans le
repas de la communion : jouissance de cannibales… et
raffinement extrême, ce n'étaient sans doute pas les mêmes
personnes qui salivaient aux sermons incongrus ou qui se
recueillaient devant les tableaux de maîtres. L'ouvrage de
Jean-Philippe Lecat représente une somme remarquable des œuvres
d'art produites en Flandres, en Bourgogne et en Franche-Comté
pendant les cent ans d'apogée du duché. L'art est à la fois
splendeur et représentation de l'ordre divin, leçon de Dieu et de
l'Incarnation.
Le
mystère bouleversant de cette Incarnation fait palpiter le ciseau du
graveur et celui de l'orfèvre. L'art est donc le point de rencontre
de l'opulence approbatrice de l'ordre du monde, et du tremblement
mystique.
« La
vérité qu'il a mission d'enseigner est pourtant, par essence,
dramatique. Les enfances du Christ sont cernées d'assassins, son
acceptation du sacrifice est une agonie, à sa mort : «Le voile
du Temple se déchira... ». Ave
crux, spes unica
est un chant de défi, une clameur d'espérance. Qu'il doive éviter
l'emphase, source de transgression, l'art en est averti par un
courant minoritaire mais influent qui le considère avec méfiance. »
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