Mépris étymologique
Ils
ne pouvaient se référer qu'aux “on-dit”. Ils interprétaient,
par exemple, le mot “amazone” comme “celle qui n'a qu'un sein”
: “a” = “un”, “mazos”, “le sein”, ces guerrières
ayant paraît-il pour coutume de se couper le sein droit pour avoir
plus d'aisance (dans le tir à l'arc), traitement aussi barbare
qu'inefficace... les anciens Hottentots se tranchaient un testicule
pour être plus légers à la course... Eh bien non ! “amazone”
veut dire « qui rassemble » (hama)
[ses
vêtements] avec une “ceinture” (“zôna”),
“qui
ne fait qu'un(e) avec sa ceinture” - monumentale erreur des Grecs !
Passons aux Latins : “sepulcrum”,
“le
tombeau”, proviendrait du prétendu préfixe “se”, “absence
de” (nulle part attesté...), et de “pulchrum”,
“beau”.
Le
sépulcre signifierait donc “le pas beau”, par crainte
superstitieuse de le nommer directement... Or ce mot est de la même
famille, évidemment, que “sepelire”,
“ensevelir”...
Passons sur les élucubrations moyenâgeuses concernant les
étymologies de noms de saints, “Agnès” provenant de
“agnoscendo”,
“en
connaissant”, pare qu'elle “connut la voie de la vérité”
(Légende
dorée de
Jacques de Voragine), “Vincent” de “incendiant
le vice”
et autres pitreries. N'en déplaise donc aux tenants de l'archaïsme,
nos connaissances sur le passé s'accroissent, au contraire, à
mesure que nous nous en éloignons.
C'est
pourquoi il devient de plus en plus difficile d'accepter benoîtement
le terme “religion” comme devant “relier” les humains, car
dans la réalité, ou étymologiquement – la chose est plus que
douteuse...
QUE
SIGNIFIE “RELIGIO” ?
Ce
qui est certain en revanche, c'est que religio
signifie
scrupule
(page
1336 du Gaffiot): “Il s'en fait un scrupule” - aliquid
religioni habet. Religio,
c'est l' “attention scrupuleuse”, la “délicatesse morale”,
la “conscience” (“se faire une conscience de”), et le
“sentiment religieux”, la “crainte pieuse”). Enfin, le
“culte”, les “pratiques religieuses” : il fallait par exemple
prononcer telle prière sept fois et non six, sacrifier à Jupiter un
taureau blanc (si l'on n'en trouvait pas, on passait à la craie le
flanc de l'animal) (pauvre bête !). Il s'agit donc là ni plus ni
moins, in
fine, que
de rituels magiques ; une telle acception corroborerait donc plutôt
l'étymologie re-legere,
“recueillir
de nouveau”, “repasser dans la pensée” (pour ne rien oublier)
(du rite), comme attesté dans le Gaffiot.
Mais
qui saura cela désormais, à présent que le latin lui-même, jadis
langue des dieux, puis langue de Dieu, n'est même plus considérée
comme obligatoire au séminaire, ce qui est tout de même un
comble... Ces passes d'armes à fleurets mouchetés nous permettent
d'aborder le thème de cet ouvrage ; c'est en effet cette fonction de
“relier”, à laquelle certains paraissent (à juste titre) si
attachés, qui se manifeste essentiellement lors des cérémonies et
des fêtes, caractérisées par leur destination collective. Toutes
les festivités ainsi rappellent, à intervalles réguliers,
l'appartenance de chaque individu à une collectivité, ou d'une
collectivité à une autre plus vaste, telles les fêtes de Jupiter
Latin affirmant l'identité latine de cités primitivement
indépendantes.
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