Bruno Dumézil nous entretient de Charlemagne
"Si
la progression franque resta timide en Espagne musulmane, les
conquêtes furent en revanche considérables sur le moyen Danube. La
région était depuis trois siècles aux mains des Avars, un peuple
de nomades originaire d'Asie centrale. Francs et Byzantins avaient à
de multiples reprises affronté ces barbares des steppes, à la fois
redoutables archers et excellents cavaliers. Leurs offensives
soudaines faisaient peur, et les Mérovingiens avaient d'ailleurs
constitué le duché de Bavière pour tenir à distance ces
inquiétants voisins. Charlemagne décida d'en finir avec la menace
en attaquant sur plusieurs fronts." Ils occupaient
approximativement la Hongrie.
Il
est évident que pendant tout ce temps, les gens vivaient comme ont
toujours vécu les gens, avec un trou du cul et deux oreilles. Ils se
foutaient de savoir à qui ils appartiendraient.
Ce qui compte n'est pas le déchaînement des guerres ou les régimes
politiques, mais la vie quotidienne avec ses mariages et ses impôts.
A bas les frontières, bien sûr, mais alors, on revient aux
massacres, comme avant. Ah oui, pour la paix, l'abondance et la baise
libre, personne n'a encore trouvé ce qu'il faut. "En 796, ses
forces parvinrent à détruire le ring,
le
camp fortifié où les Avars avaient amassé le fruit de leurs
pillages. Dans le même temps, le roi ordonna de procéder à
l'évangélisation des vaincus, qui eut lieu sous une forme aussi
autoritaire qu'en Saxe. Salzbourg, érigé en archevêché en 797, se
chargea de fournir des clercs chargés de convertir les Avars. Aux
yeux des observateurs contemporains, l'espace contrôlé par
Charlemagne enflait régulièrement. Les chroniqueurs admirent cette
"dilatation du royaume", un processus qui fait à terme du
roi des Francs le maître de la moitié du continent." Précision
: la conversion, ou "Jésus hou akbar", c'est une espèce
de serment de fidélité au souverain.
N'oubliez
pas qu'à Rome, autrefois, les Romains ne séparaient pas leurs dieux
de leur gouvernement. Se révolter contre la religion du roi, au
Moyen Âge, c'est se révolter contre le roi. Rien à voir avec les
"j'y crois-t-y j'y crois-t-y pas" des petits sensiblards de
notre époque. Intervient alors dans mon Charlemagne
de
la collection "Ils ont fait la France" une carte où l'on
voit les expansions de notre empire : l'Ecosse, l'Irlande et le (ou
les) Royaume Anglo-Saxon(s) n'en font pas partie, ni le royaume des
Asturies, chrétien, en Espagne, laquelle s'appelle d'ailleurs
"Al-Andalus" en son entier. Le Maghreb de canard n'y est
pas non plus, ni la Libye tocu.
L'Empire
Byzantin gît sous l'impératrice Irène, qui a fait crever les yeux
de ses fils pour régner seule. Le duché de Bénévent occupe
l'Italie du sud, l'Empire bulgare est grand, les Slaves se nettoient,
Danemark, Norvège et Suède envoient déjà leurs Vikings. Et
Charlemagne, roi des Lombards, ocupe une bonne partie du "Royaume
d'Italie". Toujours vivants ? oh, hisse ! engculé... Des faits,
des faits ! la première partie est faite pour ça ! "Les poètes
de cour chantent le "père de l'Europe". Le territoire
contrôlé par Charles ne saurait pourtant
se confondre avec la chrétienté occidentale. Au sud, le pays Basque
et le royaume des Asturies échappaient totalement à son autorité.
De même, Charlemagne ne tenta jamais d'impose sa domination sur
l'Angleterre, alors que les Mérovingiens y disposaient d'une
hégémonie culturelle. Quant à la prestigieuse Irlande, elle
restait bien loin du monde franc." Elle jouissait d'une riche
vie culturelle, et tous les manuscrits antiques y reposaient, à
l'abri, dans leur île.
C'est
grâce aux Irlandais et aux Byzantins que nous avons conservé tout
ce qui nous reste des Grecs et des Romains. "Il est vrai que
l'espace soumis aux Francs en l'an 800 dépassait déjà peut-être
leur capacité administrative.
Contrôler
le territoire
En
triomphant des peuples voisins et en annexant leurs terres,
Charlemagne satisfaisait avant tout les attentes de son aristocratie.
En effet, les élites franques se virent offrir les postes de pouvoir
dans tous les pays conquis. Au milieu du IXe
siècle, le moine Adrevald de Fleury racontait encore comment, sous
Charlemagne, "le Palais franc s'était vidé des grands et des
chefs du peuple", tous partis encadrer des régions lointaines.
"Charlemagne
n'eut toutefois pas à inventer la structure de son royaume car il
reçut en héritage la plupart des institutions permettant d'encadrer
les hommes et les territoires. L'Empire romain avait ainsi légué au
Moyen Âge une certaine idée de l'Etat comme res
publica ; le
gouvernement central n'était pas identifié avec la personne du
souverain, mais n'existait que pour la défense du bien commun".
Donc, pas de culte de la personnalité, pas de cible à détester ni
contre laquelle se révolter. Chacun vivait en paix et en prospérité,
sauf les pauvres et les feignants de chômeurs. "Pour mettre en
pratique ce principe, la période mérovingienne avait déployé une
administration territoriale en Gaule. Quant aux Pippinides, ils
avaient su mâtiner l'étatisme romano-mérovingien d'une certaine
dose de vassalité. Charlemagne n'eut qu'à gérer ces différents
legs, ce qu'il fit avec une indiscutable habileté.
L'autorité
royale
Un
roi franc était avant tout un chef de guerre. Il possédait à ce
titre le bannum
(le
"ban"), pouvoir d'ordonner et de contraindre qui lui
permettait de rassembler les troupes ou de lever les impôts".
Ce sont des conceptions très curieuses, autoritaires, et qui
montraient leur efficacité. Il est toujours utile de savoir
l'histoire, même en première scientifique. Vous lirez dans
Charlemagne,
de
Bruno Dumézil, tout ce que vous n'aurez pas appris en classe, car
maintenant, à l'école, on apprend à apprendre ! Mais on ne vous
donne rien à apprendre. Démerdez-vous, et demandez à vos parents,
car de leur temps, on enseignait encore quelque chose. Tschüss !
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