Vagues angoisses au Canada
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b) 3 3)je n'ai jamais pu déterminer si mon mec (je ne suis pas
homosexuel, nous nous débrouillons chacun de notre côté) couche ou
non avec le mâle, cf. aussi le bossu d'Issigeac et cet hôtel
abandonné.
De
notre chambre à coucher fermée par des barrières à la salle du
petit-déjeuner, il n’y a qu’une échelle-de-meunier, ce genre
d’escalier qui provoque lamort de tant de bambins qu’on doit
clore le haut par une petite barrière dont seuls les adultes
possèdent la clé. Mais nous explorons les étages supérieurs.
C’est comme dans un rêve. Nous ne nous sommes pas déshabillés,
nous portons nos fusils cassés le long de notre hanche, nous montons
les yeux fixes dans le noir, où nous acquérons la vue puissante et
nyctalope des oiseaux que nous trouvons pas. Ce sont des chambres
vides, à l’infini, en hauteur, comme si en vérité le bâtiment
se réhaussait à mesure que nous le parcourions, comme s’il
s’érigeait, à mesure que nous découvrions les chambres
abandonnées, les lavabos gouttant dans la nuit, les draps roulés et
défaits, les matelas entoulés emmêlants leurs rayures, les
ampoules salies de chiures que nous allumons, blafardes et
grésillantes, bien plus propres à effrayer qu’à éclairer,
tandis que s’ébranlent dans nos dos, loin au dessous de nous mais
d’autant plus effrayants je le répète en vérité que s’ils
étaient là tout proches à nous toucher, des lourds usufruitiers
qui nous demandent ce que nous pouvons bien foutre là-haut, à
gaspiller de l’électricité, à voir quoi, bon Dieu, puisqu’il y
a longtemps qu’il n’y a rien à voir depuis le temps que ce foutu
hôtel est abandonné, à moins qu’ils ne nous demandent de les
payer enfin pour tous les travaux d’entretien qu’iils voudraient
que nous fissions, auxquels nous autres chasseurs nous ne
condescendrons jamais, jamais.
Nous
savons qu’ils entraîent avec nous, dans la chasse aux escaliers,
cette créature qu’ils relâchent la nuit et hante les bas-fonds
deleur cave, non point l’exquise Ligéia enterrée vive, mais ce
bossu par-devant, bossu par-derrière, bitord en termes techniques,
ramené de leur infecte banlieue proprette... Cet homme, Vercassis,
exerce en banlieue la profession suivante : modèle pour nain de
jardin. Il teint son nez, son visage, de vermillon. prend les
postures les plus difformes et se fait ainsi photographier. Puis les
plasticiens prennent modèle sur lui, reconstituent son image par
ordinateur (« D.A.O. ») et le revendent sous forme de figurines.
Se
voir poursuivi dans l’escalier de nuit par un tel monstre nous
flanque à touts les deux, mon chasseur et moi, des terreurs
indicibles : car parfois, dans notre essoufflement, nous voyons son
nez de grotesque polichinelle passer le tournant du colimaçon, et
nous accélérons, et les étages s’élèvent toujours. Que va-t-il
advenir de nous ? Ni mon Chasseur ni moi ne savons planter un clou.
Jywes et son épouse suivent à grand bruit trois étages plus bas.
C’est tout le bâtiment de style norvégien qui s’ébranle ainsi
au milieu de la nuit. Nous savons qu’après la mort de nosp
rotecteurs, le bâtiment restera quelque temps à peu près bien
entretenu, puis qu’il s’affaissera sur nous, peu à peu avec les
années, puis tous, hommes de chair et bâtiments de bois, rentreront
sous forme de sciure dans le vaste cycle de la nature.
Nous
reviendrons à Edmonton (Saskatchewan) pour le printemps. Nous
prendrons des cours de bricolage et de charpente. Nous rétablirons
le courant électrique de façon satisfaisante, pour que les lampes
sans abat-jour cessent enfin de trembloter comme autant de paupières.
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