Ma vie qui n'intéresse personne
Vers
18h je me suis
livré
à des achats alimentaires, car le ventre bien plein dit à la tête
de chanter, Apollon
a bien bu quand il crie Evohé !
Puis je suis rentré chez moi, près d'Arielle, dont le nom signifie
«lionne de Dieu ».
« Ensuite, qu'avez-vous fait ? » Je me suis
restauré, je me suis repenché sur l'ordinateur, errant parmi
Facebook et ses messages de haine, ou d'amour envers les animaux. Ces
derniers fraternisent entre espèces, comme ces tigres nouveaux-nés
avec un chien. Nos humains n'aiment pas jusqu'à leur propre espèce.
Puis Arielle a suivi une émission sur les émotions des animaux. Je
lui montre souvent, chaque fois que je peux, les brèves vidéos de
fraternités animales, des chats sur des chiens sans omettre les
canards.
Moi,
j'étudiais l'hébreu. J'étudie l'hébreu, Monsieur, de puis des
années, sans avoir pu dépasser le stade du déchiffrement,
confondant encore dalet
et
rech,
distribuant
les voyelles au petit bonheur. Bref,
je stagne, comme en toutes les langues, dont je ne possède pas le
maniement courant. Mon dernier mot appris fut « la
rencontre », et je l'ai oublié. Il faut se consacrer chaque
jour à l'hébreu, à la moindre chose aimée, de longues et longues
minutes, sans avoir à courir lourdement d'un centre d'intérêt à
l'autre, comme si l'on était sans cesse aux prises avec un emploi du
temps. Alors je cours, j'embrasse, qui
trop embrasse mal étreint,
l'émission
s'achevait
par de
très laids flamants roses et les mignons mais cruels suricates, qui
se dressent sur leurs pattes et scrutent par-dessus les herbes.
Puis
l'étroit écran, nous montra le grandiose théâtre d'Orange, tout
tendu de rouge jusqu'au sommet, où criaient
harmonieusement les plus grands chanteurs nouveaux : Libiam',
Chœur
des Gitans, Chœur
des forgerons, qui
est peut-être le même, devant les gradins combles, et Anne-Claire
en robe de soirée. Au
point que le lendemain matin, pas plus tard que tout à l'heure,
Arielle me disait
encore « la
relève est assurée» - oui.
Nous maintiendrons à travers les décennies.
Arielle
vit par les songes, retient la nuit les impressions du soir, les
manifeste dans le silence bâillant des petits-déjeuners. Puis je
sors pisser sous le soleil et reviens ici m'abîmer dans ma
boucle
bouclée dans
mon
destin choisi
qui
me plaît et m'angoisse. Reste
un sourire et Jean d'Ormesson, qui sévit
encore
à 90 ans. Anch'io
son' pittore…
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