Vie balbutiante
Quand
je réponds au téléphone, enfin, et qu'il est contrarié, Benoît
ne trouve plus ses phrases. Il exprime son contentement, son
ravissement d'avoir bien joué, s'adresse au bout du fil ses
compliments à lui-même, en bredouillant. Je comprends 30 % de
ce qu'il dit, en ajoutant « oui, oui », à intervalles
régulier. Il me parle de la sonorité des voûtes ou du plafond
baroque, m'invite dès le lendemain chez lui, et comme je lui ai
sucré les trois messes de Noël, je ne puis décliner trop de fois.
Le mardi ? C'est qu'il va chez sa fille, qui ne manifeste aucun
projet de me recevoir (qu'en ferais-je ?), et reçoit son
injection. Ces produits miraculeux vous lobotomisent la bite et le
cerveau. « Peut-on vivre sans sexualité ? » Arielle
répondait doucement, je ne sais plus quoi. À présent elle et moi
poursuivons notre « chasteté définitive », selon le mot
terrible. Nous vivons, oui, en nous demandant comment nous faisions
avant, autrefois, au temps de la belle queue bien droite, pour vivre.
Je vois Benoît cet après-midi. Il me jouera des choses, il me
donnera mon disque dit compact.
Il
faudra que je trouve la vie agréable. C'est notre condition de vie
à tous.
LA PHOTO EST DE VINCENT PEREZ
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