Fleurs et couronnes

Après la mort de sa femme, Georges n'est pas accablé de chagrin. Il demeure auprès du corps, assis au niveau des seins, répétant Ce n'est pas vrai.
Les haut-parleurs diffusent en sourdine Goodbye stranger,
Le veuf demande : Qu'y a-t-il autour de moi ?
Claire décrit le papier peint vert, le corridor pavé, la serpillière ; plus loin le dédale et les chambres, et les bouffées suries de déjections et de désinfectant, et tout cela, il était inutile de le rappeler.
L'établissement compte trois étages de portes feutrées, salons et autres pièces indéfinissables, où passent des rumeurs de chariots, de phrases pâteuses et de grincements d'infirmière.
Sur le lit Myriam gît dans son peignoir, la tête calée sur un gros coussin de glaçons. Ses lèvres ont pris l'aspect de cordelettes violacées.

« Je ne veux pas rester à Valhaubert dit Georges.
- Vous occupez la meilleure chambre.
- Pourquoi m'aviez-vous séparé de ma femme ?
Claire glisse ses lunettes fumées dans leur étui. Georges, un instant ébloui, lève les yeux sur la soignante qui murmure Myriam, Myriam - Elle est morte dit le vieux.
Quelqu'un monte le son des haut-parleurs. Claire ?… dit-il – je ne veux pas mourir ici, à Valhaubert.
Good bye stranger fait 6mn 45.
Durant tout le temps où le visage de Claire, aide-soignante, se tourne vers lui – synthé, syncopes, tierces – Georges examine son front lisse, ses yeux immaculés, la chute sur ses tempes de la permanente blonde à demi-lunes. Chœur de fausset – piano subito – improvvisa sordina – lancinant – ossessivoputain changez la glace hurle une voix en plein mois d'août quoi merde !
Celle qui tient le cou celle qui change la vessie dans un bruit de cocktail on the rocks
« Claire » - posant la main sur l'avant-bras tiède – montez le son -
- Toujours Good bye stranger ?
Les trois femmes le regardent comme un dingue. Claire tourne le bouton. Son visage à tout jamais synonyme de ces rythmes à la fois si langoureux, si martelés. Ces larges applications de l'écran laiteux, lunaire, sur son profil droit…

II

Claire et Georges peu à peu inséparables en dépit du Règlement Intérieur. À titre d'avertissement (administratif) pour ce vieux con : visite, ensemble, de 5 domiciles – pourquoi rester ici à présent que votre femme – Myriam, Myriam - vous a quitté (…) - Venez avec moi, Georges, venez tenter votre Avenir, voyez si vous pouvez continuer de vivre – Je ne sais pas, je ne sais pas… Dans le premier appartement vivait une vieille fille usée par le Doigt comme il en est tant, parcheminée, hâve, fardée, voix de fausset sonnant faux. Elles ont quelque chose à cacher. Cela se voit. Georges, ne jugez pas les femmes.
Vous habiteriez sous les toits, dans un petit deux pièces rue des Juives – Je vivais heureuse dit la femme, la peinture blanche, c'était moi, les plinthes à l 'adhésif, encore moi, les meubles portugais vernis, la bibliothèque de Ferreira (Eço de Queirós, Castelo Branco)- c'est la circulation, monsieur, qui me gêne, j'y suis presque faite, déjà l'été, j'avais moins de camions, je laissais la fenêtre ouverte » - j'avais aussi fleuri la terrasse sur cour… - Eh bien ? demande Georges impatient. - J'y suis retournée seule dit Claire, six mois d'impayés, la vieille est virée, vous emménagerez quand vous voudrez, la propriétaire est venue chez elle, les yeux dans les yeux, son gendre au chômage, sa fille aux études c'est bon a dit la vieille c'est bon, obter o inferno je f… le camp » - Intimação para desocupar – Vous parlez portugais Georges à présent ?
Il hausse les épaules.

CE TEXTE EST DE HARDT KOHN-LILIOM

QUANT A MOI, JE PEINS. VOYEZ MES ARCHIVES POIL AUX GENCIVES. 

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